Dans une précédente publication sur ce blog (texte n°14) je m’interrogeais sur la possibilité de continuer à aimer depuis les dénonciations violentes et justifiées qui se sont multipliées sur les comportements de certains hommes. Ainsi le milieu du cinéma en France a été à nouveau bousculé par l’intervention de Judith Godrèche en février 2024 lors de la remise des Césars où elle évoque « son expérience de jeune fille abusée par des réalisateurs ». Quelques mois plus tôt c’est Gérard Depardieu qui est à son tour accusé de harcèlement et de viol et maintenant poursuivi. Sur les tournages chacun connaissait son comportement et feignait de l’ignorer. De nombreuses femmes dénoncent légitimement ce qui apparaît comme un système où le silence est de rigueur.
Or ces dénonciations loin de provoquer une prise de conscience masculine et une réflexion collective, hommes et femmes ensemble, engendre plutôt une polarisation grandissante où les relations des hommes et des femmes tournent à la dénonciation permanente et à l’affrontement sans issue. Comment sortir de l’impasse ?
Par une éducation à l’altérité et à la rencontre de l’homme et la femme dans la profondeur de l’être.
L’Homme, l’humain, n’est pas le fait d’un pur déterminisme : s’il est constitué de ces principes il a reçu aussi par Zeus et par Prométhée conscience et liberté. Les mythes grecs le montrent bien sans que je puisse ici le développer. Ce qui implique que nous ne sommes pas dans une simple répétition des moments et principes initiaux. Il y a du jeu. Et c’est à nous, comme Chronos en un sens, de nous en saisir. Comment ? Par la parole. Car si l’animal engendre par le sexe, l’homme est appelé à créer par la parole, le logos en grec.
Les rapports hommes-femmes, si nous nous en tenons aux mythes, sont d’une grande violence et paraissent conforter les dénonciations faites par les femmes. Sauf que nous pouvons les parler, c’est-à-dire d’une part en prendre conscience puis les penser dans un échange respectueux de la différence ontologique. Et c’est là toute la difficulté. Dans les années 1990 un livre a reçu un accueil mondial : Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus de John Gray, qui tentait à partir de comportements très psychologiques, stéréotypés et un peu superficiels de faire comprendre les différences entre les attentes des hommes et celles des femmes. Ce n’est pas la voie empruntée ici. Il faut maintenant que nous complétions le mythe hésiodique : de la castration d’Ouranos va naître, à partir de sa semence qui chute dans la mer, Aphrodite dont Eros devint, dés la naissance, le compagnon.
Alors que le masculin est un principe unique, le féminin est double : il y a le féminin matriciel, Gaïa, et le féminin séducteur, voluptueux et amoureux, Aphrodite. Pour quelle raison ? Par Chronos le Ciel et la Terre sont définitivement séparés : seul l’amour, l’attraction amoureuse, Aphrodite et Eros, pourra permettre au masculin et féminin de se retrouver… dans leurs différences. Etre amoureux ce n’est pas simplement une attraction des corps qui vont faire l’amour, on en reviendrait à Ouranos et Gaïa, mais une attirance des âmes qui vont partager leurs désirs, leurs attentes, leurs espoirs, leurs défaites, leurs limites, leurs rêves etc.
J’ai évoqué les principes : de ce qui est donc au fondement de l’être masculin et de l’être féminin. Par définition, puisqu’ils sont à l’origine, ces principes nous sont cachés mais ils peuvent être retrouvés et travaillés par la parole et l’échange. Dans le quotidien cela suppose de consacrer beaucoup de temps au dialogue pour s’ajuster en permanence en écoutant et comprenant l’autre dans ses besoins, ses attentes, ses ressentis, ses pensées. Le grand obstacle est là : l’homme et la femme représentent l’un pour l’autre l’altérité absolue. C’est là que la psychanalyse anthropologique peut aider à sortir de l’affrontement stérile.